La plupart des pays développés expérimentent actuellement une augmentation sans précédent de la durée de vie, soulevant des questions auxquelles la seule étude des données historiques peine à répondre. Cette évolution de la longévité constitue un enjeu de taille pour les systèmes existants de mutualisation des risques intergénérationnels, en particulier pour les systèmes de retraite et de santé. Au niveau individuel, de nombreux facteurs influent sur la durée de vie, créant une forte hétérogénéité dans les populations. Cette hétérogénéité, couplée à la structure en âge de la population qui se renouvelle, engendre des phénomènes non triviaux au niveau macroscopique qui sont mal décrits par les modèles classiques. Si la longévité spécifique à des sous-populations partageant les mêmes caractéristiques est très étudiée, modéliser leurs évolutions couplées reste une tâche ardue et peu traitée.
Les modèles démographiques ou statistiques standards de mortalité, de type Lee-Carter ou CBD s'attachent principalement à modéliser les taux de décès par âge comme des séries temporelles; ils se révèlent sont souvent insuffisants pour analyser les évolutions récentes et faire des projections robustes. Les assureurs ou fonds de pension se limitent en général à considérer les évolutions à des âges élevés, ce qui correspond à une réelle perte d'information. La variabilité de la longévité dûe aux interactions structurelles entre âges (les jeunes sont les seniors de demain) ne peut donc pas être capturée par ces modèles.
Un pas important a été fait en économie avec le récent développement des méthodes dites de microsimulations dynamiques, qui permet de simuler l'évolution microscopique d'individus soumis à un certain environnement, afin de comprendre l' impact des compor- tements individuels sur l'évolution de variables agrégées. Au niveau européen, il s'agit du projet Mic-Mac (2005-2009), et en France, il s'agit du projet de l'INSEE, avec le modèle Destinie 2, dont nous avons beaucoup utilisé les données.
Notre projet propose une approche interdisciplinaire de la longévité et de sa modéli- sation, basée comme dans les modèles de microsimulation sur la modélisation de la population, et non seulement de celle des âges élévés. Notre cadre est celui de modèles sto- chastiques avancés de dynamiques de populations - originellement développés pour des questions liées à la théorie de l'évolution et aux dynamiques écologiques apporte une réflexion originale sur les problématiques énoncées. Le rôle majeur de l'âge, qui caractérise les populations humaines, rend la modélisation délicate et complique sérieusement l'analyse des phénomènes, notamment des phénoménes asymptotiques. Ce cadre propose un changement de point de vue complémentaire aux approches classiques car il permet de répondre à certaines questions au-delà de celles traitées habituellement. Les évolutions étudiées restent néanmoins complexes et présentent souvent de fortes non-linéarités dues aux interactions entre individus. Un important travail reste donc à faire afin de mieux comprendre l'éclairage qu'ils apportent sur les thèmes qui nous intéressent.
La multiplicité des approches proposées pour répondre aux problématiques liées à la longévité constitue à la fois la richesse et une difficulté principale du sujet. L'unification de ces approches présente donc un enjeu majeur de ces modèles stochastiques dynamiques.